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PMO-RIF

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16 décembre 2021

CONTRIBUTION AU SYNODE SUR LA SYNODALITE PRÊTRES EN MISSION OUVRIERE (PMO) 94

Prêtres en mission dans le diocèse de Créteil, en Ile de France, nous souhaiterions apporter notre pierre à la réflexion qui s’engage relativement au synode sur la synodalité.

Nous nous retrouvons régulièrement pour un partage et une relecture spirituelle de notre vie et de notre mission de prêtre, dans les villes populaires où nous avons été envoyés. Pour nous, ce lieu représente une expérience, un cadeau et un appel :

-        L’expérience que le ministère de prêtre est à vivre ensemble, au sein et au service d’un peuple et qu’il est le lieu de notre conversion personnelle et collective,

-        Le cadeau de vivre un ministère de prêtre au service des mouvements (particulièrement l’ACE, la JOC et l’ACO, mais aussi  le MCR, l’ACI, CdEP) qui colore celui que nous exerçons en paroisse – où nous assumons ou avons assumé la charge pastorale de responsables de communautés. Ce service des mouvements nous a appris une manière singulière de vivre le ministère, l’Eglise et la mission.

Une manière de vivre le ministère comme un service fraternel.

Dans les mouvements, nous n’exerçons pas une responsabilité de conduite. Elle appartient aux laïcs qui ont été formés par leur vie en mouvement et en Eglise. Nous sommes là pour les soutenir et les aider à grandir dans leur responsabilité, sans prendre leur place.

Dans les mouvements, nous exerçons cependant une vraie responsabilité pastorale d’accompagnateurs, de veilleurs et de serviteurs.

= Accompagnateurs, comme le musicien accompagne le chanteur, nous sommes d’abord des compagnons de route d’hommes et de femmes dont nous partageons la vie, les joies et les peines, les luttes et les espoirs. A l’intérieur de ce compagnonnage, de cet être-avec, nous  pouvons les questionner et les interpeler au nom de l’Evangile et de la mission que le mouvement a reçue de l’Eglise.

= Veilleurs, nous veillons à la fois sur les personnes et sur les communautés (équipes, fédérations, secteurs).

  • Veiller sur les personnes, et d’abord sur les responsables du mouvement, à tous les niveaux, c’est prendre soin d’eux, les écouter, les soutenir, en veillant à leur équilibre de vie, à ce que la responsabilité les rende heureux et les fasse grandir humainement et spirituellement ; c’est aussi veiller aux plus fragiles, pour qu’ils aient toute leur place, pour qu’ils aient la parole, pour qu’on leur confie les responsabilités qu’ils peuvent prendre.

 

  • Veiller sur les équipes, c’est garder le recul pour discerner les avancées et les reculs, rappeler les décisions prises, relancer ; plus profondément, c’est veiller – avec les responsables et en dialogue avec eux - à la fidélité à l’Evangile, veiller à la communion avec toute l’Eglise et veiller à la qualité missionnaire de la vie du mouvement.

= Serviteurs du mouvement et de sa mission :

  • Serviteurs du partage de la vie réelle des gens, qui soit un partage d’expériences personnelles, et non un débat d’idées.
  • Serviteurs du partage de la Parole qui éclaire et interpelle la vie de chacun, serviteurs de son acte de foi en Christ présent au cœur de nos vies.
  • Serviteurs des initiatives missionnaires en direction des personnes avec qui chacun est en lien dans la vie.
  • Serviteurs de la relation au Christ par la prière et les sacrements que nous présidons mais que tous célèbrent.

Une manière de vivre l’Eglise comme une fraternité.

-        Dans les mouvements, nous sommes d’abord des frères parmi des frères, des disciples au milieu d’autres disciples. Nous vivons avec les autres baptisés des rapports d’amitié et de réciprocité. Nous faisons l’expérience d’être accompagnés en même temps que nous accompagnons dans une recherche commune.

-        Notre ministère habituel fait souvent de nous ceux-qui-savent ; dans les mouvements, nous cherchons avec les autres, même si nous sommes heureux de mettre nos compétences au service de tous. Quand il s’agit de la vie des gens, et singulièrement de la vie des plus pauvres, de la vie de travail en entreprise ou de la vie conjugale et familiale, nous ne savons rien, nous sommes d’abord des écoutants, nous laissant interpeler par ce que nous entendons.

-        Certes, nous ne sommes pas un membre du mouvement comme les autres, puisque nous le sommes au titre du ministère ordonné. Mais cela ne nous confère aucune supériorité. Nous y vivons la belle formule d’Augustin : « avec vous, je suis chrétien ; pour vous, je suis prêtre. »

-        Nous nous efforçons d’être le référent de l’Evangile plus que celui du dogme ou de la prière, sans négliger, à l’occasion, d’aider les militants à approfondir la foi des chrétiens et à devenir capables d’animer la prière du groupe.

Une manière de vivre la mission.

-        Nous avons appris à vivre la mission d’évangélisation dans une double attention, à la vie concrète des gens et aux liens qu’ils vivent et tissent au quotidien. Nous avons appris avec les mouvements que nous ne pouvons évangéliser les personnes sans les aimer pour elles-mêmes et cheminer gratuitement avec elles.

-        Nous avons appris à vivre la mission d’évangélisation comme « un aller-vers qui commence par un être-avec ». Un aller vers les autres, d’abord vers ceux qui sont nos compagnons d’humanité, ceux avec qui nous vivons. Un aller vers les autres, pour s’intéresser à leur vie, à leurs questions, à leurs recherches. Un aller vers les autres pour entrer en dialogue.

-        Nous avons appris à vivre la mission comme un dialogue où nous avons à donner et recevoir, où nous avons à témoigner de Celui qui nous fait vivre en accueillant ce qui fait vivre les autres, en acceptant d’être bousculés par la vie des autres car ils nous évangélisent aussi.

Nous ressentons comme un appel la nécessité de partager cette expérience et ce cadeau à notre frère évêque, à nos frères prêtres, à tous les militants et militantes que nous accompagnons dans les mouvements.

Trois propositions pour la vie et le ministère des prêtres :

Dans la perspective d’une Eglise davantage synodale, nous pensons aussi pouvoir, modestement, faire trois propositions qui concernent la vie et le ministère des prêtres. Elles pourraient faire l’objet d’un débat dans les équipes pastorales, au conseil presbytéral, dans les mouvements, peut-être ailleurs encore.

1)     Proposer à tous les prêtres de vivre leur ministère non seulement dans une paroisse ou une aumônerie dont ils sont responsables, mais aussi en accompagnant une équipe d’un mouvement d’Eglise dont ils n’assurent pas la responsabilité de conduite.

 

2)     Proposer à tous les prêtres de rejoindre ou de former une équipe de prêtres (de leur choix) qui soit un lieu de partage et de relecture spirituelle de leur vie et de leur ministère. Cela nous semble aussi important que de leur demander d’avoir un accompagnateur spirituel. Les deux nous semblent complémentaires. Un prêtre isolé est un prêtre en danger.

 

3)     Proposer à tous les séminaristes, dans leur parcours de formation de découvrir l’expérience d’un ministère d’accompagnement du type de celui dont nous avons essayé de rendre compte.

Nous pensons que ces trois propositions peuvent faire bouger la représentation du prêtre que nous portons en nous-mêmes ou que les autres nous renvoient. Elles peuvent contribuer à rendre notre Eglise moins cléricale et, partant, plus synodale.

Nous redisons notre joie d’être prêtres avec et dans les mouvements d’Eglise, au milieu d’un peuple, au service d’une Eglise qui repose véritablement sur les baptisés, en permettant à ceux (et celles) d’entre eux qui le désirent, de devenir responsables de communautés d’Eglise fraternelles et missionnaires, fondées en Christ grâce au ministère de l’Eglise.

Les prêtres en mission ouvrière (PMO) du Val de Marne,

Le 10 décembre 2021,

Bruno CADART  (Champigny), Antoine EVETTE (Marolles), Jean-Pierre GAY (Ivry)                                                       Michel JOLY (Vitry), Benoit-Marie JOURJON (Cachan), Julio PEIXOTO (Vitry),                                    Dominique RAMEAU (Choisy le Roi), Jose RIBEIRO (Ormesson),                                                                                  Jean-Pierre ROCHE (Villejuif), Roger TANGUY (Thiais),

 

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19 septembre 2020

LE TEMPS DE L’ACTION SOLIDAIRE (par Jean-Pierre Roche)

Jean-Pierre Roche

LE TEMPS DE L’ACTION SOLIDAIRE

La pandémie qui s’est déclenchée en 2020 aura au moins permis à tous les humains que nous sommes de mieux prendre conscience que nous ne formons qu’une seule famille humaine, victime du même virus, capable de nous le transmettre et sans doute un jour de le vaincre. Mais elle aura aussi permis de nous poser beaucoup de questions sur le monde que nous construisons ou plutôt que nous détruisons. Durant cet été, j’ai eu l’occasion de lire un certain nombre d’ouvrages qui peuvent nous aider à inventer des chemins nouveaux pour demain (1). Le grand silence de notre Eglise, à l’exception du pape François, a été pour beaucoup un sujet de consternation. On a pu parler d’insignifiance (2). Nous avons entendu parler nos évêques au moment du déconfinement pour réclamer la reprise des célébrations dans les églises, comme n’importe quel syndicat de boutiquiers. Réaction peut-être injuste si on se rappelle que le président de la Conférence des évêques de France a pris la plume pour écrire une lettre ouverte… au Président de la République ! (3) Vous n’en avez sans doute pas entendu parler si vous ne lisez pas La Croix, seul journal à la rendre publique. Signe que l’épiscopat est vraiment devenu inaudible.

Pendant la période de confinement, deux voix chrétiennes ont retenu l’attention, celle d’un théologien tchèque et celle d’un moine de Ligugé… (4) Les deux allaient dans le même sens : il ne s’agissait plus de « sortir » de nos églises, comme le pape François ne cesse de nous y inviter depuis La Joie de l’Evangile, puisque nous ne pouvions plus nous y rassembler ; l’essentiel était de rejoindre le Christ là où il était : dans les EHPAD et les hôpitaux, dans les rues et les cités, là où les « premiers de corvée » sont au charbon, là où les plus précaires sombrent dans le dénuement.

Le danger est grand de passer à côté de ce défi. Soit en imaginant que le bouclier social de notre Etat Providence sera suffisant pour absorber la vague des plans sociaux, des fermetures d’entreprises et des licenciements. Soit en nous préoccupant uniquement de rebâtir notre Eglise, ce dont nous ne pouvons effectivement pas nous désintéresser compte-tenu de la crise qui la traverse.

Mais il ne faut pas se tromper de crise : celle de la planète, celle de notre société, doit passer avant celle de notre Eglise. C’est la seule manière  de changer notre Eglise de facto, en la décentrant. Le moment que nous vivons est le temps de la mobilisation pour l’action solidaire. La priorité, avec l’année Laudato si, c’est d’entendre « les clameurs de la terre et les clameurs des pauvres », les deux étant intimement liées. Il m’avait été demandé, dans mon diocèse, de justifier théologiquement une telle mobilisation. C’est ce que j’ai essayé de faire à partir de trois repères : la rencontre du Christ, la volonté du Père et l’aspect diaconal de l’Eglise.

La rencontre du Christ.

Ce qui définit le chrétien, ce n’est pas de croire en « Dieu », c’est son lien au Christ. Comment rencontrer le Christ aujourd’hui ? Pour beaucoup de chrétiens, la réponse est simple, il y a deux voies royales : l’Evangile et l’Eucharistie… au risque d’oublier la troisième qui est pourtant au cœur de l’Evangile : j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger. L’Evangile et l’Eucharistie nous permettent de rencontrer le Christ dans la prière, personnelle et collective, mais les souffrants, les hommes et les femmes qui galèrent, les pauvres ou  les petits, les malades et les étrangers, nous permettent de rencontrer le Christ dans l’action. J’aime cette consigne que Vincent de Paul donnait aux Filles de la Charité : « quand vous quittez la prière à la chapelle pour aller soigner un malade, vous quittez Dieu pour retrouver Dieu. » Il ne faudrait pas oublier cette présence réelle là. Il n’y a pas deux, mais trois lieux de la rencontre du Christ : la Parole de Dieu, les sacrements de l’Eglise et la vie des hommes. Comme il y a trois vertus théologales (qui viennent de Dieu et qui nous relient à Dieu) : la foi, l’espérance et la charité, « mais la plus importante des trois, c’est la charité » (1 Co 13,13)

Le rassemblement Diaconia 2013 avait bien mis en valeur ce qu’Etienne Grieu avait appelé la diaconie, la solidarité, comme « lieu source de notre foi ». Il voulait dire par là que la solidarité (ou la fraternité, ou la charité, ou la diaconie) n’était pas une conséquence éthique de notre foi, mais un lieu source au même titre que l’Evangile et l’Eucharistie. Voilà pourquoi il peut être désolant, dans une paroisse, de trouver tant de bénévoles pour le catéchisme et la liturgie, mais si peu pour organiser le service de la fraternité dans toutes ses dimensions.  

Il ne s’agit pas de « mettre Jésus-Christ dans nos vies » : il y est déjà ! Il s’agit de discerner sa présence au milieu de nous  (« il y a au milieu de vous, quelqu’un que vous ne connaissez pas », Jn 1,26), de le rejoindre et de l’aimer (« ce que vous avez fait aux plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait », Mt 25), ce qui est la première manière de le révéler et de l’annoncer. A condition que cette action solidaire soit vraiment une rencontre humaine, un être-avec, une amitié partagée : « Nous sommes appelés à découvrir le Christ en eux, à prêter notre voix à leurs causes, mais aussi à être leurs amis, à les écouter, à les comprendre et à accueillir la mystérieuse sagesse que Dieu veut nous communiquer à travers eux. » Joie de l’Evangile n°198.

La volonté du Père.

« Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel ». Je me souviens de ce mariage d’un fils d’amis dont la future ne voulait pas qu’on dise le Notre Père pendant la célébration à cause de cette phrase. Elle pensait que cela signifiait notre consentement et notre soumission à tout ce qui nous arrivait. Comme si toutes les tuiles qui nous tombent dessus étaient l’expression de la volonté de Dieu ! C’est un rapport fondamentaliste avec les événements. On en arriverait à dire que la pandémie est une punition de Dieu. Le rapport entre la vie et la foi n’est pas celui-là : Dieu n’est pas la cause de ce qui nous arrive, mais Dieu se sert de tous les événements de notre vie pour nous parler. Si je suis malade ou au chômage, ce n’est pas parce que Dieu l’a voulu, mais je dois chercher ce qu’il me dit à travers un événement comme celui-là et à quoi il m’appelle. C’est évidemment la même chose pour les événements heureux.

Pour opérer ce discernement, il est bon de se référer à l’Evangile et de se rappeler la parole de Jésus : « ma nourriture, c’est de faire la volonté de mon Père » (Jn 4,34). Il ne prononce pas seulement ces paroles au moment de sa passion, mais dès le début de son ministère. A travers ses guérisons comme à travers l’annonce du Royaume, il ne cesse de manifester que la volonté de son Père, c’est que les humains aient « la vie en abondance » (Jn 10,10), qu’ils soient des vivants, qu’ils soient debout et qu’ils vivent en frères (et sœurs) puisqu’ils n’ont qu’un seul Père. En résumé, on pourrait dire que la volonté du Père, c’est que nous soyons tous heureux ensemble dans la communion du Royaume, en partageant l’amour qui est en Celui que nous appelons « Dieu ». Si nous sommes les disciples de Jésus, notre nourriture, c’est-à-dire ce qui nous fait vivre, c’est la même que celle de Jésus qui vit en nous : c’est de faire la volonté du Père.

Cette volonté du Père, elle est effectivement à faire. Que ta volonté soit faite ! Jésus attache une grande importance au faire : « ce ne sont pas ceux qui me disent Seigneur, Seigneur, qui entreront dans le Royaume des cieux, mais ceux qui font la volonté de mon Père » Mt 7,21. C’est le domaine de l’action, de l’agir. Selon la belle expression d’Henri-Jérôme Gagey, il s’agit de « donner des mains à l’Evangile » : « L’Evangile doit avoir des mains et pas seulement des porte-voix » (5).

De même que Jésus a mené un certain nombre d’actions symboliques de la venue du Royaume de Dieu en direction des opprimés, des affamés, des malades, des infirmes, pour que l’Evangile soit annoncé aux pauvres (Lc 4,18), de la même manière, son Eglise qui est son Corps social aujourd’hui ne peut annoncer l’Evangile sans se mobiliser pour une action solidaire avec toutes les victimes de la pandémie et de la crise économique, sociale, écologique et sanitaire qu’elle provoque.

Une Eglise toute entière servante.

Diaconia 2013 a été l’occasion de se rappeler que la « diaconie » - ou « service de la fraternité » pour reprendre le titre du rassemblement – devait être l’affaire de toute l’Eglise. Impossible de déléguer ce service à des spécialistes : le Secours catholique, la société St Vincent de Paul ou Aux captifs la libération… C’est une dimension de la foi chrétienne que tous les disciples de Jésus et toutes les communautés  chrétiennes sont appelés à vivre. Là encore, le pape François est très clair : «  Chaque chrétien et chaque communauté sont appelés à être instruments de Dieu pour la libération et la promotion des pauvres, de manière à ce qu’ils puissent s’intégrer pleinement dans la société. » (Joie de l’Evangile, n°187). C’est bien se s’organiser pour mieux vivre cette solidarité avec les pauvres, mais cette organisation ne dispense personne de suivre Jésus serviteur.

Et qu’il me soit permis de dire ma préférence pour l’expression « service de la fraternité » plutôt que « service du frère », si souvent utilisée. En effet, parler du service du frère évoque une action unilatérale : il y a les serviteurs et les bénéficiaires, il y a eux et nous. Chacun sait qu’il peut être humiliant d’être seulement bénéficiaire. Le service de la fraternité évoque au contraire une volonté de servir un lien fraternel entre tous, permettant à tous de vivre en frères, de donner et de recevoir, selon l’appel de Jésus : « lavez-vous les pieds les uns aux autres » (Jn 13,14).  C’est le sens de l’encyclique que François va publier : Tutti fratelli. C’est l’occasion de rappeler que, pour  St François d’Assise, la pauvreté était un moyen au service de la fraternité, et non un but en soi.

Ce service de la fraternité, il est à vivre dans l’Eglise et dans la société. Au moment où c’est toute la société qui est précarisée par la pandémie, il s’agit prioritairement de servir la fraternité dans le monde, en portant le souci des plus fragiles et des plus démunis, en étant à leurs côtés et de leurs côtés. C’est toute l’Eglise qui doit être servante, diaconale, au service d’une fraternité qui n’exclut personne.

Le pape François nous donne deux images de cette Eglise qui est à (re-)construire pour qu’elle soit vraiment servante de l’humanité blessée :

+ Une Eglise en sortie : il s’agit de sortir de nos églises, mais surtout de sortir de l’entre-soi, en étant présent dans les quartiers, dans les entreprises, dans les associations, aux périphéries, pour rejoindre le Christ vivant qui nous attend.

+ Une Eglise hôpital de campagne : alors que la pandémie semble redémarrer, il s’agit d’abord de prendre soin des blessés de la crise, les malades et les personnes âgées, bien sûr, mais tous ceux qui risquent de se retrouver sur le carreau, sans ressources. Réorganiser nos églises pour qu’elles soient des hôpitaux de campagne, ça veut dire quoi ? Concrètement, on fait quoi ? Voilà l’urgence. En respectant bien sûr les contraintes sanitaires !

Le 15 septembre 2020

Notes :

  1. -      Edgar MORIN : Changeons de voie, les leçons du coronavirus, Denoël

-        Hubert VEDRINE : Et après ? Fayard.

-        Jacques ATTALI : L’économie de la vie, Fayard

-        François RUFFIN : Leur folie, nos vies, la bataille de l’après, Les liens qui libèrent

-        Jérôme FOURQUET : En immersion, Enquête sur une société confinée, Seuil.

-        N. HULOT, F. LENOIR : D’un monde à l’autre, le temps des consciences, Fayard

  1. Anne SOUPA : L’Eglise catholique en danger d’insignifiance, in Cahiers du Témoignage Chrétien, Eté 2020, La Crise, p. 31.
  2. Eric de MOULINS-BEAUFORT : Le matin, sème ton grain, Bayard-Cerf-Mame.
  3. Thomas HALIK :

-        Ne cherchons pas le vivant parmi les morts, La Vie, 3 avril 2020

-        L’Eglise doit être là pour tous, pas seulement pour les croyants, La Croix, 30/5/20

Frère François CASSINGENA-TREVEDY  (Blog)

-        De la mythologie chrétienne à la foi modeste, Pentecôte 2020

-        De la fabrique du sacré à la révolution eucharistique : quelques propos sur le retour à la messe (23 mai 2020)

  1. Henri-Jérôme GAGEY : Les ressources de la Foi,  Salvator,p.238.
23 novembre 2019

Contribution de Jean-Pierre Roche à une rencontre de Religieuses en M.O.(Sept 2019)

 

FEDEAR / RIF 2019

NOS COMMUNAUTES, MAISONS ET ECOLES DE COMMUNION ?

Comme vous, j’ai été frappé par le souffle de l’intervention d’Elena Lasida il y a un an, son invitation à créer du nouveau pour sauver le souffle qui vous anime. Pour aller plus loin, vous avez donc retenu la troisième piste, celle de la communion : « Comment nos communautés peuvent être aujourd’hui, dans les réalités de notre monde, une maison et une école de communion ».

Dans une première partie, je reprendrais le « aujourd’hui, dans les réalités de notre monde ». Dans une seconde partie, je voudrais travailler avec vous l’étymologie et le sens des mots « maison », « école » et « communion ». Enfin, dans une troisième partie, j’essayerai de dégager à mon tour des pistes pour inventer du nouveau en matière de communion.

  1. I.               DANS LE MONDE D’AUJOURD’HUI

Pas une intervention, pas un topo, pas une formation qui ne commence par situer le contexte du monde dans lequel nous vivons : un monde en mutation accélérée (Eléna), un monde sécularisé, un monde fondé sur l’autonomie des individus, un monde incertain… Sans prétendre faire une grande synthèse de ce qu’on peut en dire, je préfère vous partager deux lectures récentes qui m’ont passionné et éclairé. Elles utilisent deux images de la société très suggestives pour notre sujet, celle de l’archipel et celle du liquide.

  1. 1.    L’archipel français, de Jérôme Fourquet  (au Seuil).

L’ouvrage fait 380 pages et porte un sous-titre « Naissance d’une nation multiple et divisée » avec un bandeau de l’éditeur « où allons-nous ? ». Il analyse les changements de la société française depuis les années 80, avec les outils de la sociologie politique et religieuse, tels que : cartes électorales, graphiques, évolution des prénoms donnés aux nouveau-nés etc.

Tout part de « l’effondrement de la matrice catholique », repérée comme étant le ciment principal du pays, ce qui le tenait ensemble. La disparition du prénom Marie est un signe longuement analysé… Cet effondrement explique un « basculement anthropologique » qu’on repère facilement avec le changement des structures familiales (on passe de la famille aux familles diversifiées), la banalisation du divorce, de l’IVG, de l’homosexualité, un autre rapport au corps (incinération)… Les catholiques sont devenus une île minoritaire dans l’archipel français.

L’auteur décrit ce qu’il appelle une « fragmentation » de la société française, avec la sécession des élites, l’affranchissement culturel et idéologique des catégories populaires (illustré par le choix de prénoms anglo-saxons, tatouage, vote FN…), le poids démographique croissant de l’immigration arabo-musulmane et sa forte singularité culturelle et religieuse.

Les oppositions ou clivages s’approfondissent à chaque secousse sismique. L’auteur en analyse trois : l’année 83 avec la marche des beurs et l’émergence du FN aux Européennes, l’année 2005 avec une double fracture : la victoire du NON au référendum sur la constitution européenne et la révolte des banlieues, l’année 2015 qui révèle au cœur des attentas que tout le monde n’est pas Charlie. Et cela débouche sur le tremblement de terre des Présidentielles de 2017, victoire des gagnants-ouverts sur les perdants-fermés, qui est à l’origine de la révolte des « gilets jaunes » face à un « bloc libéral élitaire ».

Je retiens deux points pour notre recherche :

-       L’archipélisation de notre société appelle à construire des ponts ou des passerelles. Elle invite à vivre la communion en termes de ponts ou de passerelles pour faire du lien entre des mondes qui s’ignorent de plus en plus. D’où un appel à vivre une communion qui ne soit pas communautariste mais qui soit inter- : interculturelle, interreligieuse, intergénérationnelle, internationale… ce que sont souvent vos communautés !

-       La fragmentation de notre société fait penser à une bombe à fragmentation qui cause des blessures multiples. Elle appelle à être attentif à toutes les souffrances qui s’expriment à travers des comportements identitaires de repli. D’où un appel à vivre l’Eglise comme un « hôpital de campagne » selon l’expression du pape François.

 

  1. 2.    L’Eglise liquide dans une société liquide, selon Arnaud Join-Lambert.

Arnaud JOIN LAMBERT est un professeur d’ecclésiologie à l’Université de Louvain qui a mis en lumière le concept d’Eglise liquide dans un article des Etudes (Vers une Eglise liquide, Les Etudes2015/2). Il emprunte ce concept « liquide » au sociologue Zygmunt BAUMAN, auteur d’un livre sur « la société liquide » en 2000.

« Une société liquide se caractérise par le primat des relations, de la communication, de la logique de réseau, par différence avec une société solide qui privilégie les institutions et la stabilité sociogéographique. »

Une société liquide est une société où tout devient instable, où il n’y a plus de certitudes, ni de centre, ni de point fixe. Toutes les institutions sont en crise ou remise en question, ce qui fragilise les individus.

L’Eglise n’est pas qu’une institution, bien sûr, mais elle a un pôle institutionnel très fort dont la paroisse est la figure privilégiée. Tout baptisé dépend d’une paroisse et a donc un curé ! Or, non seulement ce qu’on a appelé la « civilisation paroissiale » a disparu, mais toutes les tentatives pour renouveler la paroisse ou créer de nouvelles paroisses semblent avoir échoué.

D’où l’idée de cesser de vouloir faire revenir les gens dans la paroisse et d’inventer d’autres lieux pour ceux qui, de toutes façons, ne viendront jamais dans les paroisses. Notre auteur précise :

« Il s’agit de multiplier de tels lieux qui, sans prétendre tout couvrir, offrirait une rencontre autour d’une dimension de l’existence, une hospitalité, une convivialité ou un soutien. »

Join-Lambert cite trois exemples en France qui sont souvent appelés « maison d’Eglise » : Notre-Dame de Pentecôte sur le Parvis de la Défense, Saint-Joseph à Grenoble pour la pastorale des jeunes, l’accueil Marthe-et-Marie dans le nouveau quartier Humanicité à Lomme, près de Lille. Mais il évoque quantité d’exemples étrangers autour d’un café, d’une bibliothèque, d’un centre commercial… pour rejoindre le plus grand nombre. Il y a aussi des églises « déparoissialisées » pour répondre à tel ou tel besoin.

« Appliquée à l’Eglise, la liquidité traduit plusieurs déplacements spécifiques, dont une vie chrétienne basée sur l’activité spirituelle et non sur des structures, un décentrement de l’office dominical, une part croissante des commençants ou des recommençants par rapport aux fidèles de toujours, et le passage limité dans le temps au sein d’un église précise. »

Si j’articule avec « l’archipel français », qui décrivait le catholicisme comme une île parmi d’autres au point de former un « réduit catholique », on comprend bien l’enjeu missionnaire d’être « une Eglise en sortie », de sortir de l’entre-soi, de sortir de notre île, pour rejoindre les gens là où ils sont, comme le dit Elena Lasida.

La présence des ordres religieux dans l’Eglise, depuis les débuts du monachisme, a introduit du jeu dans l’institution ecclésiale qui était d’abord territoriale. Ils ont inventé d’autres lieux que les paroisses pour vivre et annoncer l’Evangile dans la société : des couvents et des monastères, mais aussi des hôpitaux, des écoles et des universités ! Avant d’être institutionnalisés (rendus solides) comme « ordres religieux », c’était des mouvements qui traversaient les Eglises locales, tout comme le feront les mouvements apostoliques ou les communautés nouvelles. C’est dire le lien qu’il y a entre nos questions et l’Esprit Saint qui souffle où il veut.

 

  1. II.              MAISON, ECOLE, COMMUNION.

Le vocabulaire n’est pas neutre. Pour répondre à la question : comment nos communautés sont des maisons et des écoles de communion ? – il faut s’entendre sur les mots.

 

 

  1. 1.    Maison :

+ Le mot vient du latin mansio = demeure, manere = rester, demeurer. Voilà qui m’évoque tout de suite une harmonique évangélique : « Demeurez en moi comme je demeure en vous » (Jn 15,4) dans le texte sur la Vigne. C’est une image forte de la communion au Christ.

+ Il désigne un bâtiment, une habitation, un logement, un foyer. On pense tout de suite à la famille, à la maison familiale. La maison, c’est un « chez nous », on se sent chez soi.

+ Mais en dehors des maisons où vivent des familles, notre société a mis en place des maisons collectives : les maisons de la jeunesse et de la culture (MJC), la maison des syndicats, les maisons pour tous, la maison de la justice. La « maison commune » désigne à la fois la maison communale, la Mairie, et la planète (Laudato si), concept qui est directement lié à une seule famille humaine : « Le défi urgent de sauvegarder notre maison commune inclut la préoccupation d’unir toute la famille humaine dans la recherche d’un développement durable et intégral » (Laudato si,13) C’est un autre aspect de la communion sur lequel nous reviendrons.

+ Chez les chrétiens, il y a bien sûr la « maison de Dieu » qui s’appelle l’église, c'est-à-dire qui porte le même nom que celui de la communauté ecclésiale, même si c’est avec une minuscule. Et il y a bien sûr « la Maison du Père » qui désigne l’au-delà de nos vies, Dieu lui-même mais comme pouvant nous accueillir chez lui : « qui habitera dans ta maison, Seigneur ? » C’est le terme du pèlerinage.

+ Je voudrais évoquer ces différents lieux d’Eglise, ces nouveaux lieux d’Eglise que la mission invente et qui portent le nom de maison : il y a ces maisons d’Eglise, comme Notre-Dame de Pentecôte, mais je pense à mon diocèse où on développe des « maisons d’Evangile » (qui se font à la maison et non à la paroisse), où on a créé « la maison des serviteurs de la Parole » où des jeunes peuvent vivre en communauté pendant un an pour réfléchir à leur projet de vie, où on est en train d’aménager la Maison Madeleine Delbrel, là où elle a vécu à Ivry. Ce sont tous des lieux d’accueil, des lieux de parole – des lieux où l’on écoute la Parole de Dieu et où on s’écoute les uns les autres –, des lieux de prière.

+ Enfin, il me semble que si on parle de maison en termes de mission, il faut mettre en avant l’idée d’hospitalité. Quand Jésus envoie les Douze en mission (Lc 9,1-6), il leur dit : « Quand vous serez reçu dans une maison, restez-y… et si les gens ne vous accueillent pas, sortez de la ville et secouez la poussière de vos pieds ! » Vivre la mission, c’est dépendre de l’accueil des autres autant que les accueillir. On sait que le terme d’hôte désigne à la fois celui qui accueille et celui qui est accueilli. Jouin-Lambert remarque : « L’analogie de l’Eglise comme une maison d’hôtes aide à percevoir que rien n’est possible sans ces derniers », c’est-à-dire sans ceux que l’on accueille puisque c’est leur maison ! « L’hospitalité, c’est l’improvisation » (Derrida).

  1. Ecole.

J’avoue que je regrette un peu que la convocation ait précisé, à propos des carrefours de cette après-midi, « école de communion au sens de témoignage »… Il me semble que c’est réducteur.

+ Ecole évoque pour moi le fait de « se mettre à l’école de », c’est-à-dire, pour des religieux, deux aspects importants : la vocation de disciple qui vit la suite du Christ, qui est « maître de vie » mais aussi l’appartenance à une famille religieuse : à l’école d’Ignace ou de François, à l’école de Dominique ou du Carmel, à l’école d’Antoine Chevrier ou du Père de Foucauld. C’est une spiritualité, mais c’est aussi une vie, un style de vie, une vie évangélique et pas seulement spirituelle.

+ Ecole évoque pour moi un lieu d’apprentissage, un lieu où l’on apprend ensemble. Cela veut dire que la communion, cela s’apprend. C’est bien sûr tout le sens du noviciat, mais justement, est-ce que, dans nos communautés, on continue d’apprendre ensemble à vivre en communion ? Ou est-ce qu’on est sensé savoir ?

+ Mais ce n’est pas n’importe quelle école, ce n’est pas une école où l’on prend des cours, pour apprendre un savoir. C’est plutôt un atelier d’apprentissage où l’on apprend à vivre ensemble, à s’accepter à la fois semblables et différents, à donner et à recevoir, à dialoguer, – bref, où on apprend à devenir de plus en plus des êtres de communion. Un savoir-être.

  1. 3.    Communion.

+ Un terme chrétien. Maison et école, ce sont des termes de la vie quotidienne et profane : on rentre à la maison, on va à l’école. Communion ? On fait sa communion. C’est un terme religieux qui tranche dans une conversation. En terme profane, on emploiera d’autres mots : solidarité, fraternité, proximité, sympathie, amitié…

+ Trois étymologies :

-       Communion peut venir de commun : ce serait la mise en commun  des biens, ou ce que nous avons en commun (des biens mais aussi des idées, des convictions…). Evidemment, on pense à communisme !

-       Communion peut venir de com-union, c’est-à-dire union avec d’autres. Ce serait l’être-avec, expression si importante pour les chrétiens en général mais pour les religieux/ses en particulier parce qu’elle désigne à la fois le lien avec les gens et le lien avec Dieu, …plus que le lien entre-eux.

-       Communion peut venir de com-munis, c’est-à-dire un office commun. Le terme serait effectivement d’origine liturgique mais pour désigner une fonction commune comme par exemple le presbyterium. Auquel cas, l’office commun pourrait être la mission commune.

Si le premier sens renvoie bien à la communauté, les deux autres ouvrent cette communauté à plus large qu’elle-même.

+ L’Eglise comme communion dans les Actes des Apôtres. Puisque le texte est religieux, on n’est pas surpris qu’il ait sa source dans le Nouveau Testament à travers le grec koinonia (pas d’équivalent en hébreu et donc pratiquement absent de l’AT). Le mot revient 19 fois dans le NT : jamais dans l’Evangile et 13 fois chez St Paul.

Les Actes des Apôtres décrivent la première communauté chrétienne à travers trois « sommaires » : Ac 2, 42-47 ; 4, 32 ; 5, 12-13. C’est le premier d’entre eux qui parle de communion : « Ils étaient assidus à l’enseignement des apôtres et à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières » (2,42).

Dans son ouvrage « L’ecclésiologie de communion » (Cerf, 2000), Jean RIGAL décrit les trois composantes essentielles de la communion ecclésiale que les premiers chrétiens sont exhortés à vivre : « une communion dans la foi, une communion dans le culte et une communion dans la vie fraternelle ». On peut employer le terme communion pour désigner l’ensemble des trois ou le réserver (comme le fait l’auteur des Actes) à la troisième dimension de la vie ecclésiale. On retrouve les trois registres de cette vie ecclésiale : vivre, croire, célébrer Jésus-Christ. Une autre trilogie, reprise par les évêques de France (« Lettre aux catholiques de France », 1996) expriment les trois pôles de la mission de l’Eglise non plus avec des verbes mais avec des substantifs : marturia (témoignage), diaconia (service), leiturgia (liturgie).

+ L’Eglise communion. Dès le lendemain du Concile, le 8 juin 1966, Paul VI s’adressait ainsi aux chrétiens : « L’Eglise est une communion (…) Union au Christ et dans le Christ ; et union entre les chrétiens dans l’Eglise. » Vingt ans après le Concile, le Synode de 1985 en fait une relecture : « L’ecclésiologie de communion est l’idée centrale et fondamentale des documents du Concile. (…) Que signifie ce mot complexe de communion ? Il s’agit fondamentalement de la communion avec Dieu par l’intermédiaire de Jésus-Christ, dans l’Esprit-Saint. » L’Eglise communion trouve son origine dans le Dieu révélé par Jésus comme Trinité : Dieu est communion qui nous appelle à participer à sa vie. L’Esprit qui unit Jésus et son Père, est aussi celui qui nous est donné pour vivre en communion avec lui et entre nous.

+ La communion est inséparable de la mission. Si le Christ nous rassemble, c’est pour nous envoyer. La mission de l’Eglise prolonge la mission de Jésus et de l’Esprit. « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie ». La communion ecclésiale n’a pas son but en elle-même, elle est au service de la communion de toute l’humanité en Dieu. C’est ce que le Concile exprima à travers le concept de l’Eglise comme sacrement : « L’Eglise (est) dans le Christ, en quelque sorte, le sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain » (Lumen gentium, 1). Autrement dit, l’Eglise est une communion qui trouve son origine en Dieu-communion et qui est au service de la communion de toute l’humanité en Dieu.  Jean-Paul II, dans l’exhortation apostolique « Les fidèles laïcs » décrit ce lien entre communion et mission dans ces termes : « La communion et la mission sont profondément unies entre elles, elles se compénètrent et s’impliquent mutuellement, au point que la communion représente la source et tout à la fois le fruit de la mission : la communion est missionnaire et la mission est pour la communion. » (Christifideles, 32)

+ Les ambigüités de la communion. J’en vois au moins quatre.

-       1. L’Eglise-club : on est bien sur notre île, on est bien entre soi, on essaye d’être une communauté vivante, c’est déjà pas mal ! Les autres ? Nous sommes prêts à les accueillir, mais ils ne viennent pas, on ne va pas les forcer… C’est l’oubli de la mission qui n’est pas prosélytisme, mais ouverture et dialogue. C’est le risque du communautarisme au sens d’un repli identitaire.

 

-       2. L’uniformité : L’unité de l’Eglise est un bien précieux mais l’Eglise n’est pas seulement une, elle est aussi appelée à être « catholique », ouverte à tous et enracinée dans toutes les cultures, ce qui inclut une grande diversité. La communion est justement une unité dans la diversité. Mais dans la tradition catholique, le pôle unité a été fortement renforcé autour de la papauté. Le pape François appelle à une Eglise plus synodale, c’est-à-dire moins centralisée et moins monarchique à tous les niveaux. Dans cette Eglise, la vie religieuse renforce le pôle communautaire.

 

-       3. La démobilisation. Dans la société telle qu’elle est, l’insistance exclusive sur la communion entraine une certaine désertion des luttes nécessaires pour la justice sociale et pour la planète. « Lutter, c’est aimer » disait l’ACO, tellement aimer semblait vouloir dire ne pas se battre.

 

-       4. Communion fraternelle ou service de la fraternité ? A mettre l’accent sur la communion fraternelle, on risque d’oublier la dimension diaconale de la vie chrétienne. La communion fraternelle risque toujours d’être perçue en interne alors que le service de la fraternité englobe l’interne et l’externe, il est service des plus petits pour que la fraternité règne plus dans la société et pas seulement dans l’Eglise.

 

  1. III.            DES MAISONS ET DES ECOLES DE COMMUNION.

A la lumière de tout ce que je viens de vous dire, j’essaye maintenant de donner des éléments de réponses à la question posée, et je le ferai en posant des questions.

  • Est-ce vos communautés religieuses qui peuvent être maisons et écoles de communion ? Ou es-ce que votre vie communautaire vous habilite pour créer avec d’autres des lieux nouveaux qui soient des maisons et des écoles de communion ?

Si je relis le texte d’Elena Lasida, elle dit : « L’Eglise devrait être une maison et école de communion » C’est sa 3° piste et elle me semble éclairée par les deux premières, à savoir l’Eglise en sortie au sens de sortir de l’entre-nous pour aller ailleurs, là où vivent les gens, et l’Eglise qui se fait conversation parce qu’elle a quelque chose à recevoir des autres. D’ailleurs, s’agissant d’être une maison et école de communion, non seulement Elena ne parle pas de vos communautés, mais elle explicite sa pensée en disant : « notre vocation, c’est faire que chaque être vivant sur notre terre puisse se sentir chez lui. » Et elle ajoute : « comment être des acteurs de lien ? ».

  1. Si nous partons de vos communautés :

 

-       Il s’agirait alors de vérifier si vos communautés sont des maisons et des écoles de communion. Il me semble que c’est la question que vous vouliez réfléchir aujourd’hui (cf. les carrefours). Mais alors, on peut se demander : maisons et écoles de communion pour qui ? Je crois comprendre que vous avez en tête : maison de communion pour nous et école de communion pour les autres.

-       Dans cette hypothèse, il faudrait donc vérifier si vos communautés sont fidèles au programme des Actes, c’est-à-dire si elles sont des communions de foi, des communions de prière et des communions fraternelles. Cela vous amènerait à vous interroger sur la place de la Parole de Dieu, la place de l’Eucharistie et de la prière communautaire, la place de la révision de vie et du partage des biens, dans votre vie communautaire.

-       Toujours dans cette hypothèse, pour que ces maisons deviennent écoles de communion pour d’autres, il faudrait s’interroger sur l’hospitalité vécue dans vos communautés. Quelles sont les personnes qui sont de fait accueillies dans vos communautés pour y faire une expérience de communion, un peu comme une équipe d’ACO organise de temps en temps une « rencontre élargie » pour permettre à des copains de faire un peu l’expérience de la révision de vie. C’est la démarche de l’invitation et du « venez et voyez ».

Mais cela signifie que c’est à nous d’apprendre la communion aux autres… Il me semble que le topo d’Eléna Lasida critiquait cette prétention que nous aurions à apprendre aux autres. A propos de la communion, elle dit : « Je n’aime pas le mot « expert ». En tant que chrétien on n’est pas appelé à être expert. On s’est considéré trop longtemps comme des experts, porteurs de la bonne nouvelle et on a été donneurs de leçons à d’autres. »

Il me semble que, quand elle parle de votre savoir-être, comme religieux, elle pense à votre manière d’être artisans de communion dans les différents lieux où vous êtes avec d’autres, non pas quand vous êtes en communauté, mais quand vous êtes « en sortie ». Bien sûr, c’est votre vie communautaire qui vous fait grandir dans un savoir-être artisans de communion dans la société. En ce sens, vos communautés sont école de communion pour vous. Mais pour les autres ?

 

 

  1. Si nous partons des autres :

 

-       Le point commun entre Elena Lasida et Arnaud Jouin-Lambert, c’est le constat qu’il faut inventer du nouveau parce qu’on s’épuise à vouloir faire venir les gens « chez nous ». Je cite :

  • Elena Lasida : On fait tout son possible pour essayer de faire venir des gens à nos mouvements, à nos associations, à nos congrégations, à nos groupes, à nos églises, à nos messes, et on investit beaucoup dans la communication, dans les sites internet, on essaye de se moderniser, de prendre des nouveaux moyens de communication, on fait plein de choses pour essayer de faire venir les gens chez nous. Il faut constater que ça ne marche pas. On peut continuer à le faire, mais ça ne marche pas. Il est venu le moment où il faut inventer du nouveau.
  • Arnaud Join-Lambert : En ne faisant que répondre aux besoins religieux de certains, les paroisses solides ignorent ou négligent de facto la soif spirituelle du plus grand nombre. Les réorganisations actuelles des paroisses ne parviennent pas à toucher de nouvelles personnes hormis quelques-unes (…) Il est urgent de réformer lorsque l’Eglise locale commence à ressembler à un club. Cette Eglise-club est une réponse à la question terriblement réaliste posée par Ward (dans son ouvrage Liquid church) : pourquoi si peu de gens voient-ils l’Eglise comme un lieu où trouver ce qu’ils cherchent ?

-       Si nos communautés sont des lieux où nous vivons et apprenons à être artisans de communion, c’est pour être artisans de communion ailleurs, dans la société, là où nous sommes présents par nos nombreux engagements. Je pense aux deux communautés dont j’accompagne la révision de vie, qui me semble une belle école de communion. Dans l’une, elles vivent au milieu d’autres dans un foyer-logement : c’est là qu’il s’agit de vivre et d’apprendre la communion, dans les rapports entre les résidents, avec la directrice, avec le Conseil de vie sociale etc. Dans l’autre, ce service de la communion se vit à l’UNAFAM avec les parents de personnes malades psychiques ou au GAS avec les migrants. Il me semble que ce sont ces lieux là qui sont appelés à être maison et école de communion.

-       Dans mon diocèse, la pastorale des quartiers populaires multiplie des lieux différents qui peuvent être des maisons et écoles de communion. Je pense aux fraternités qu’on cherche à mettre en place à partir de la Parole de Dieu (les Maisons d’Evangile), ou à partir de l’entraide, ou à partir de la prière. Je pense aux initiatives en direction des mamans seules qui sont elles aussi diverses, en réponse à leurs besoins. Mais à côté des fraternités initiées par des chrétiens, il y a le service de la fraternité de groupe auxquels les chrétiens sont présents : telle amicale de locataire, telle association comme Femmes de tous pays, etc.

 

-       Arnaud Jouin-Lambert a écrit un nouvel article dans Les Etudes (2019/3) sur « Les nouveaux lieux ecclésiaux pour régénérer l’Eglise en Europe ». L’idée, c’est que c’est « le décentrement des paroisses » qui devrait régénérer l’Eglise dans nos pays, c’est-à-dire des lieux non-paroissiaux accueillant à tous, et pas seulement au petit reste. Il s’agit de prendre au sérieux l’appel de François (dans La joie de l’Evangile, n°25)  à vivre une réelle « conversion pastorale et missionnaire qui ne peut laisser les choses comme elles sont ».

 

-       L’auteur plaide donc pour d’autres lieux qui pourraient être des maisons et écoles de communion : « A côté de la paroisse sont appelés à prendre leur place d’autres lieux ou communautés proposant une partie du message chrétien et de la vie chrétienne (pas le tout), non plus pour tous mais pour quelques-uns qui y trouveraient leur lieu pour un temps de leur vie. » Cela m’a fait penser aux groupes de chrétiens divorcés qui existent pour permettre à des personnes qui traversent cette épreuve de se reconstruire et de se réconcilier avec leur passé. Il existe la même chose pour les mamans solos ou pour les personnes fragiles psychiquement mais stabilisés. Mais peut-être faudrait-il davantage de visibilité sociale. Il s’agit d’ « espaces hospitaliers » où l’Eglise se fait « hôpital de campagne » dans les « périphéries existentielles », selon les expressions de François. A ces lieux mettant en œuvre la diaconie de l’Eglise peuvent s’ajouter d’autres lieux pour répondre aux besoins spirituels des personnes (accompagnement, approfondissement, prière). Si on dégage des personnes et des lieux devenus disponibles, des chrétiens mais aussi des congrégations peuvent faire preuve de beaucoup de créativité. C’est justement ce que le pape François demande : « J’invite chacun à être audacieux et créatif dans ce devoir de repenser les objectifs, les structures, le style et les méthodes évangélisatrices de leurs propres communautés ». (Joie de l’Evangile, n°33).

Comme vous le voyez, j’ai déplacé la question. Bien sûr, nos communautés sont des « maisons et des écoles de communion » pour nous, mais ne sommes-nous pas invités à inventer d’autres lieux ou à développer d’autres lieux qui rejoignent les besoins nombreux de nos contemporains, des lieux qui soient précisément des maisons et des écoles de communion ouverts à tous ?

Jean-Pierre Roche,

27 septembre 2019

 

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23 novembre 2019

Spiritualité des PMO

Spiritualité Prêtres en Mission Ouvrière

 

            Ce témoignage émane des équipes P.M.O. (Prêtres en Mission Ouvrière) de la région Ile de France. Fondées en 1970, c’est aujourd’hui une dizaine d’équipes qui se retrouvent régulièrement pour faire « révision de vie ». Elles sont le lieu d’un partage en profondeur à partir des richesses vécues quotidiennement  dans l’apostolat en monde ouvrier ou populaire.

            Que ce texte soit l’occasion d’un échange avec tous ceux que la spiritualité missionnaire intéresse.

 

 

            Une triple passion sous-tend la spiritualité dont nous vivons comme prêtres en mission ouvrière : la passion du Dieu découvert en Jésus-Christ, la passion de la Vie des Hommes, la passion d'une Église à faire vivre au jour le jour, « passion » comprise dans les deux sens du terme, ce qui fait souffrir et ce qui enthousiasme. Ces deux dimensions pour prendre en compte la réalité de notre vie de prêtres et pour exprimer ce qui nous rend heureux au cœur  des tâches que nous accomplissons.

             

            - Passion du Dieu découvert en Jésus-Christ.

 

         Sans la rencontre de Jésus, comme Celui qui nous a séduit au plus profond et comme Celui qui continue d'être le compagnon quotidien de nos vies d'hommes, rien ne tiendrait. Pourtant ce qui nous caractérise, c'est peut-être de découvrir le Christ vivant, autant dans une relation personnelle que dans les liens  vécus lors des partages, des rencontres et des dialogues qui font la trame de nos journées. Notre référence est alors Jean-Baptiste, "l'ami de l'époux, qui se tient là, qui écoute. La voix de l'époux le comble de joie. Telle est ma joie, et elle est parfaite."  (Jn 3, 29)

 

            Cette passion s'inscrit dans une passion de l'Évangile, comme parole vivante qui produit du fruit au coeur des gens. Nous sommes témoins de la force de la Parole quand elle vient féconder une terre qui l'accueille et  souvent émerveillés de ce que chacun découvre et de ce qu'il partage. C'est l'expérience d'Isaïe (55, 10-11) : "De même que la pluie et la neige descendent des cieux et n'y retournent pas sans avoir arrosé la terre, sans l'avoir fécondée, ainsi en est-il de la parole qui sort de ma bouche, elle ne revient pas vers moi sans effet, sans avoir accompli ce que j'ai voulu et réalisé l'objet de sa mission." Cette parole lue et méditée ensemble renouvelle notre rencontre de Jésus, et cela nous invite à rendre grâce et à nous convertir ; nous sommes enseignés, vivifiés, renouvelés par l'Évangile quand il devient lumière pour nos frères.

 

Dans l'Évangile, nous sommes particulièrement touchés par le visage d'un Dieu en recherche des hommes, et spécialement des plus petits, le Père qui montre un parti-pris étonnant pour ceux qui ne comptent pas aux yeux des hommes : "Je te rends grâce, Père, parce que tu as caché cela aux sages et aux savants et que tu l'as révélé aux plus petits."(Lc 10,21) Et voici l'enfant placé au centre, comme un exemple, et voici l'étrangère dont Jésus met en relief la foi, et la voici la veuve qui, dans sa détresse, donne tout ce qu'elle a. Nous cherchons alors à vivre cette attention aux petits, sans calculs, pour manifester un peu de ce visage de Dieu.

            De même nous nous laissons étonner par ce Dieu qui n’attend pas que nous soyons “bien” pour nous aimer. Son amour gratuit rejoint chacun dans sa situation concrète, et jusque dans son péché. Et voici ce Père qui manifeste plus de  joie pour une seule brebis retrouvée que pour les 99 restées au bercail. Il donne tout en son Fils "qui est venu chercher et sauver ce qui était perdu, qui n'est pas venu pour juger le monde, mais pour le sauver." (Lc 19,10) S’inscrire dans cette recherche est pour nous un moment de communion au visage du Père.

 

Autre trait qui nous retient, c'est ce Dieu qui se révèle dans la faiblesse et la fragilité. Affrontés à des situations de misère profonde, à des manques tragiques d'amour, à des échecs là où nous attendions beaucoup, familiers des détresses et des abandons, nous recueillons cette spiritualité de la nuit, de la croix, où Dieu n’apparaît pas clairement et où pourtant, nous le croyons, le grain est semé et il produira son fruit. Nous acceptons de n'en rien voir, confiant que Celui qui nous a appelés ne déçoit pas. Nous retrouvons là un courant mystique, celui de la nuit spirituelle.

 

            Avec tout cela, nous aimons nous retrouver dans la passion de Jésus pour les foules : " En débarquant, Jésus vit une grande foule. Il fut tout bouleversé parce qu'ils étaient comme des brebis qui n'ont pas de bergers." (Mc 6, 34) Dans le côtoiement de tant de personnes sans repères, sans avenir, sans amitié, nous voilà à notre tour tout bouleversés et appelés à répondre à la suite de Jésus.

 

 

 

            - Passion de la vie des hommes,

 

            Au cœur des foules, s'enracine pour nous une passion pour la vie des hommes, une passion qui souvent est née aussi du compagnonnage d'hommes et de femmes auxquels nous sommes liés vitalement. Nous nous sentons souvent de ce peuple qui lutte et qui peine et solidaires de ce qui le brise et le soulève.

            Même si nous sommes parfois accaparés par d’autres tâches, nous tenons beaucoup à partager, dans l'amitié et la gratuité, ce qui fait vivre et vibrer les gens, à goûter ce qu'ils portent dans le cœur. C'est pour nous un lieu d'humanité et d'humanisation. C'est aussi l'expérience de Nazareth, où Jésus est simplement là, au milieu des gens de son village, partageant tout de leur vie, communiant à leurs espoirs, soucieux de leurs difficultés, soulevé par leur joies. Une incarnation simple, réelle, presque banale, mais qui dit combien Dieu aime la vie des hommes. Comment pourrions-nous, disciples de Jésus, faire l'économie de cette vie au cœur du peuple ? “Le disciple n’est pas au-dessus de son maître.”

 

            Ce partage simple de la vie des gens est aussi un lieu de contemplation, le lieu de notre prière, où nous devenons les pasteurs de ce peuple. Ici nous retrouvons bien les démêlées de Moïse avec le peuple au désert. Témoins des besoins les plus criants de ce peuple que nous aimons, nous crions vers Dieu sa détresse. Témoins de ses enthousiasmes et de ses abandons, nous crions vers Dieu pour qu'il nous sauve et qu'il nous permette de répondre à la mission qu'il nous confie. Moïse s'écria : "Est-ce moi qui ai conçu tout ce peuple, est-ce moi qui l'ai enfanté, pour que tu me dises : 'Porte-le sur ton sein, comme la nourrice porte l'enfant à la mamelle ? Je ne puis à moi seul porter tout ce peuple; c'est trop lourd pour moi !"  (Nb 11,12) Oui, ce partage en profondeur de la vie du peuple est le lieu d’une prière, parfois douloureuse, parfois pleine de reconnaissance avec notre Dieu.

 

            Avec Jésus et le don de son Esprit, nous reconnaissons que Dieu agit bien avant que nous soyons là. L'Esprit-Saint nous précède, et largement répandu, il suscite au cœur des gens une générosité qui nous étonne. Et quand nous sommes tentés par la peur et le repli sur des positions plus confortables, l'Esprit nous invite à l'audace et à l'initiative. Nous savons que, selon la parole de Jésus : "Mon Père travaille toujours et moi aussi, je travaille." (Jn 5,17) Pourtant souvent nous n'en voyons rien et nous avons besoin comme Paul en arrivant à Corinthe d'être libéré de la peur : "Sois sans crainte, ne te tais pas, continue de parler. Je suis, en effet, avec toi. Et dans cette ville, j'ai à moi un peuple nombreux." (Act 18,9-10)

 

            La passion de la vie des hommes nous invite à prendre parti, à nous engager à notre place. Nous ne sommes pas des spectateurs, même pas des spectateurs attentifs. Nous refusons le mépris, le rejet, l'exclusion dans lesquels une certaine organisation de la société relègue les plus humbles. Parce que nous avons appris de la JOC en particulier « qu'un homme vaut plus que tout l'or du monde parce qu'il est aimé de Dieu », nous ne pouvons admettre qu'un seul des plus petits soient tenus pour rien. Et à certains jours, nous partageons la colère de Jésus, quand la prudence n'est plus qu'hypocrisie. "Le jour du sabbat, est-il permis de faire le bien ou de faire le mal, de sauver un être vivant ou de le tuer? Mais eux se taisaient." (Mc 3,4)

 

                       Ce partage vital nous façonne comme homme et comme prêtre; il nous fait entrer en communion avec Dieu : c’est un lieu où on le rejoint, où on le touche, où on expérimente ce qu’il est. Car Jésus a révélé le visage d’un Dieu, follement amoureux de la vie et des hommes: “Vous valez beaucoup plus que des moineaux!”; (Mt 10,31) “Je suis venu pour qu’ils aient la vie, et qu’ils l’aient en abondance! ”;  (Jn 10,10) “Ce qui fait  la gloire de mon Père , c’est  que vous portiez  beaucoup de fruits. ”  (Jn 15,8). On touche là, au cœur  de cette expérience, la force d’un Dieu qui ne se résigne pas à ce que la vie soit banale, petite, insignifiante,… Dieu est toujours celui qui dit (comme à Abraham) : “Je rendrai grand ton nom! ” (Gn 12,2) Dieu est ambitieux pour chacun de nous et pour nous tous ensemble. Dans l’attention à la vie des gens, pour la recueillir, la susciter, la vivifier, nous communions à cette ambition de Dieu pour tous.

 

            Ce qui fait l'unité de nos tâches est alors d'être un combat pour la vie des hommes, une prise de position radicale au service d'une vie toujours plus épanouie, selon l'appel de Jésus : "Soyez parfaits, comme votre Père est parfait."( Mt 5,48) Et pour rendre compte de notre service au milieu de ce peuple, nous aimons bien reprendre les paroles de Paul : "Aurions-nous besoin, comme certains, de lettres de recommandations pour vous? Notre lettre, c'est vous, lettre écrite dans nos cœurs, connue et lue par tous les hommes. De toute évidence vous êtes une lettre du Christ, confiée à notre service, écrite non avec de l'encre, mais avec l'Esprit du Dieu vivant, non sur des tables de pierre, mais sur des tables de chair, sur vos cœurs." (2 Co 3,2-3)

 

 

 

            - Passion d’une Église à faire vivre.

 

            Marier la passion de Dieu de Jésus-Christ et la passion de la vie des hommes passe pour nous, - c'est notre service spécifique au milieu des hommes - par la volonté de susciter des communautés d'Église où ce double élan puisse se vivre et se féconder l'un l'autre.

 

            D'où notre volonté sans cesse renouvelée de tisser des liens, de susciter la rencontre et le partage. Loin de chercher à être le pôle de rassemblement, nous tentons de constituer des lieux d'échanges et de confiance, des lieux de vraie fraternité où chacun soit reçu pour ce qu'il est, sans jugement à priori. Aujourd'hui dans une diversité grandissante, avec le mélange des cultures, c'est un véritable défi. Nous vivons là une réelle faiblesse, dépossédés de notre savoir et de notre pouvoir; cette humilité radicale nous renvoie à méditer et à approfondir ce que Paul disait de la faiblesse : "Ma grâce te suffit; ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse."(2 Co 12,9)  Attachés à des réalisations souvent petites et fragiles, et sachant ce qu'il faut de patience et de ténacité pour durer, nous sommes heureux de voir la parole de Dieu y prendre chair.

           Car pour nous l'Église est ce lieu où nul ne doit être oublié, où chacun puisse prendre la parole, où chacun soit écouté, parce que tous ont reçu l'Esprit de Dieu en vue du bien commun. Le service de la parole, et d'une parole qui circule de l'un à l'autre, réclame de notre part une réelle activité. Servir la parole, c'est d'abord faire naître une parole. Il y a donc nécessité de permettre à chacun de s'exprimer. Déjà là, nous avons tout un travail à fournir pour que les cris des gens deviennent des paroles qu'on puisse partager. Ensemble, eux et nous, nous devenons des écoutants, pour que la parole circule et suscite la vie. Écouter ne va pas de soi; cela réclame un apprentissage. L'écoute les uns des autres, des angoisses et des espoirs, est une démarche essentielle pour construire ensemble. Ces paroles deviennent nourriture, interpellation, occasion de prières… Elles édifient. Cette écoute du frère prépare la route à l'écoute de cet Autre qu'est Dieu.

            Mais le service de la parole va bien au delà, car pour entendre le Ressuscité parler aujourd'hui, nous avons besoin ensemble de faire référence à Jésus de Nazareth; sa parole nous met en présence du Père dont il témoigne par sa vie. Il faut donc approfondir et travailler les Écritures, proposer une réelle fréquentation de la Bible, la confronter aux questions qui reviennent de la vie, incarner la parole, lui donner chair, témoigner des merveilles de Dieu dans les langues d'aujourd'hui, cela nous invite aussi à le faire pour nous pour être capables de le faire avec eux.

 

            Ce service passe aussi par d'autres chemins, comme le service de la prière: Oser dire "prions", oser appeler à la prière, mais dans des pratiques adaptées et vivantes. Permettre de vivre de véritables célébrations, inventives et créatrices. Là encore nous avons à être actifs, en sachant proposer, en suscitant la recherche, en faisant naître le besoin, en décelant ce qui bloque ou ce qui rend parfois suspecte cette pratique.

            Mais l'Église n'est pas seulement un lieu de partage et de confiance ; ce qui nous motive, c’est qu’elle soit toujours missionnaire, attentive à l'Esprit qui la relance sans cesse vers le grand large. Et parfois nous souffrons de constater de frileuses attitudes de repli et bien des timidités pour aller de l’avant. Pourtant appeler, envoyer, ouvrir de nouveaux horizons est une nécessité pour l'Église de Jésus-Christ.

            C'est d'abord une démarche spirituelle. Le Dieu de la Bible ne cesse d’appeler l’homme à sortir pour s’aventurer avec lui. “Quitte ton pays, ta famille, la maison de ton père… pour le pays que je t’indiquerai” (Gn 12,1) (Ce sont des paroles de naissance = quitte le sein maternel…, pour l’aventure d’être un homme !) Sans cesse il le tire du néant où il risque de retourner, de la mort où il risque de se figer. Dans cet appel, il est notre Sauveur. Appeler, c'est inscrire dans une perspective de salut. Car l’appel ne met pas en situation de privilégié celui qui le reçoit, ce n’est pas un appel pour lui seulement, mais pour les autres, pour le plus grand nombre, c’est un service. Appeler en faisant confiance, car le Seigneur est impliqué dans tout appel; un appel donc qui n’attend pas la perfection, mais qui croit à l’évolution possible, aux découvertes progressives… Travailler à une Église où résonne des appels adressés à tous, adaptés à chacun, c'est s'inscrire dans la manière de faire de Dieu.

 

            Cette passion d'une Église à faire exister au delà de ses frontières se réalise dans le service du "Corps" à constituer ; prêtre, nous sommes au service de la vitalité du Corps tout entier. Ce que nous réalisons pour tous dans l’Eucharistie, - faire le "Corps du Christ", - nous avons à le vivre au cœur de toutes nos tâches : "Devenons ce que nous célébrons, comme dit une prière de la messe." Il se vit là une dimension prophétique. Dieu nous y apprend à vivre en corps, c'est-à-dire à accueillir, par la parole et par le pain partagé, quelque chose du Christ-Jésus en nos vies. Son Esprit nous pénètre peu à peu; il s'insère en nous; il vient demeurer chez nous. Nous devenons Corps du Christ, capables de renouvellement continuel. Cette unité évoquée et touchée un instant, au cœur de la célébration, nous comble de joie et nous renvoie à y travailler encore plus intensément en pleine humanité.

 

            L'Eucharistie est pour nous ce mystère de réconciliation et d’action de grâces, où nous retrouvons le sens dernier de notre service. Elle dit le plus profond de ce que nous avons à vivre en Église et en même temps elle nous renvoie à le réaliser plus intensément dans le monde. Elle est action de grâces, parce qu'elle est, pour nous et pour tous, action de salut.

 

Conclusion :

 

            Bousculés, provoqués, dépossédés, nous faisons peu à peu l'expérience de recevoir notre vie d'un Autre, une vie nouvelle, une vie différente. N'est-ce pas là l'expérience même du salut ? Dieu met au jour en nous une humanité plus sensible, plus forte, plus fraternelle ; il nous recrée en nous pétrissant de son Esprit ; il fait de nous des vivants plus ardents, il nous fait goûter le bonheur de travailler à plus de vie en nous et chez les autres, comme le dit ce témoignage : "Le ministère avec ses duretés et ses joies me font faire continuellement une expérience de foi. Ils me projettent toujours à l'extérieur, tant que tout n'est pas complètement accompli. Témoin de la vie des gens, dynamisé par les uns et les autres, je suis évangélisé par ce qui se passe entre Dieu et chacun d'eux ; cela m'appelle à la conversion, me bouscule quand je suis tenté de rester tranquille. C'est une rude école que la vie en Église, école dépouillante, mais c'est une école riche d'espérance qui a une saveur pascale qui permet de durer et de recommencer sans cesse."

 

            Parfois nous avons le sentiment de vivre éparpillés par de multiples tâches qui nous absorbent tout au long de nos journées et nous cherchons à trouver ce qui fait l'unité de notre vie, ce qui lui donne sens, ce qui la rend stimulante et passionnante. Nous avons certainement à découvrir que l'unité de notre vie ne se trouve pas dans nos réalisations, mais plutôt dans ce que nous recevons les uns et des autres, et de l’Autre qu’est Dieu. Ce qui nous unifie, c'est de rencontrer en toutes choses, en toutes personnes, Celui qui nous sauve par sa tendresse donnée gratuitement.

            Notre spiritualité s’enracine dans des "Exercices spirituels."

 

           La relecture en est un, au sens où d’autres traditions parlent des "Exercices Spirituels", ce qu’il faut faire pour vivre dans l’Esprit. En effet la vie spirituelle (et missionnaire) n’existe pas sans exercices, sans s’exercer…

           Relire, c’est reprendre ce qu’on a vécu. C’est une opération de mémoire, et bien sûr une opération de reconstruction. On revient sur des événements, des situations, des réactions dont on a été acteur et dont on a été témoin et témoin impliqué. Car la vie ne peut nous parler du Christ que si elle nous dit d’abord quelque chose à nous…

            Il s’agit de relire cette vie dans la foi, donc pas un simple évaluation pour réajuster une action.  C'est une reprise dans un Esprit de foi, destinée à nourrir la foi et à enrichir la vie, les deux. "La relecture dans la foi vise à rendre la foi plus vitale et la vie plus digne de foi.” Le résultat de cette mise en rapport entre la vie et la foi, de cette confrontation, ça peut être un réconfort, un encouragement à continuer; ça peut être aussi une remise en question, une conversion ; ça peut être encore un appel à partager ce qu’on a découvert.

  Et ce qui permet ce rapport entre vie et foi, c’est d’accueillir la Parole de Dieu, une parole venue d’ailleurs, qui par sa différence apporte du neuf et renouvelle. Pour certains, cela se réalise dans un carnet où ils notent le plus souvent possible ce qu'ils vivent, en le confrontant à la Parole de Dieu ; lieu d'une prière très incarnée dans la vie du peuple et d'un amour de Jésus-Christ renouvelé. Pour tous, elle passe par la pratique de la "Révision de vie", partage entre prêtres où, ensemble, nous nous construisons comme pasteurs et serviteurs dans la rencontre du Christ vivant.

 

            La fréquentation de la Parole de Dieu est évidemment un moment essentiel de cette rencontre. Qu'elle se réalise personnellement ou à plusieurs, elle est source de renouvellement et de communion à Celui qui nous appelle. En particulier la prière quotidienne des Psaumes, cris des hommes vers Dieu, nous permet de vivre d'un seul élan la passion de Dieu et celle de la vie des hommes. Porteuse d'une double dimension, historique (prière du peuple élu, prière de Jésus, prière des disciples) et d'une dimension universelle (prière qui monte de tous les points du globe), elle nous inscrit au cœur de l'humanité et de l'Église.

 

            Voilà quelques lieux où nous retrouvons l'unité et le sens de notre vie, des lieux de communion intense à ce Dieu qui nous mène sur des chemins d'aventure, et donc des sources de joie profonde et durable.

            Ce chemin, dont nous faisons l’expérience, nous avons envie de le partager à d’autres, à vous, parce qu’il nous fait vivre.

 

 

SpiritPMO_Rif

24 août 2019

Jubilé pour 50 ans de ministère en Mission Ouvrière dans le 94, par Jean-Pierre ROCHE

EVANGILE : La brebis perdue et retrouvée (Lc 15, 3-7)

En ces temps-là, Jésus leur dit cette parabole : « Si l'un de vous a cent brebis et qu'il en perd une, n'abandonne-t-il pas les 99 autres dans le désert pour aller chercher celle qui est perdue, jusqu'à ce qu'il la retrouve ? Quand il l'a retrouvée, il la prend sur ses épaules, tout joyeux, et, de retour chez lui, il rassemble ses amis et ses voisins pour leur dire :  "Réjouissez-vous avec moi, car j'ai retrouvé ma brebis, celle qui était perdue !"Je vous le dis : C'est ainsi qu'il y aura de la joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se convertit,  plus que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n'ont pas besoin de conversion. »

L'AMOUR PASTORAL

C'est l'évangile d'aujourd'hui, il ne pouvait pas mieux tomber. Notez bien que c'est une parabole : Jésus ne nous traite pas de moutons ! Mais il décrit en image une réalité que j'ai essayé de vivre depuis 50 ans : « l'amour pastoral », l'amour du pasteur pour chacune de ses brebis. Et cet amour-là, on ne peut le vivre que si on en a soi-même bénéficié.

Autrement dit, avant d'être pasteur, je suis cette brebis paumée, qui ne sait plus où aller, qui a perdu son chemin et qui se demande comment avancer. C'est un texte que je trouve très moderne : il dit que chacun de nous est unique et plus important que le troupeau ; mais il dit aussi que chaque individu est de plus en plus livré à lui-même pour inventer son chemin et si, comme la brebis perdue de l'Évangile, il n'est plus en relation avec les autres, il est vraiment perdu. Dans le monde ouvrier et populaire où j'ai été envoyé, j'ai découvert que la pire souffrance, c'est celle d'être oublié, méprisé, transparent, invisible... comme si on n'existait pas, comme si on ne comptait pas.

La dernière fois que j'ai vécu l'expérience d'être la brebis perdue, c'est au mois de mars dernier, la veille du mercredi des cendres. Accablé, consterné, abattu, révolté par ce qui se révélait de la vie de mon Église, je n'avais plus envie de faire la fête et je l'ai fait savoir à bon nombre d'entre vous. J'ai alors reçu plus de 70 messages de mes amis qui souffraient comme moi, qui me comprenaient bien mais qui me disaient : ce n'est pas possible d'annuler ta fête, nous en avons besoin – et toi aussi ! Pour affronter cette épreuve, pour montrer un autre visage de l'Église. Le pasteur qui vient rechercher sa brebis, il a pris pour moi le visage de vos messages, le visage de mes équipes de révision de vie entre prêtres et le visage des amis de l'équipe de préparation. Ces messages m'ont beaucoup touché, remis en cause, relevé !  Je suis passé de l'accablement à l'action de grâces, car j'ai compris que, pour les victimes comme pour notre Église, cette opération vérité était nécessaire et salutaire.

Alors, j'aime cette image de Jésus, le pasteur tout joyeux d'avoir retrouvé sa brebis, qui la porte sur ses épaules et qui rassemble ses amis, comme je le fais  ce soir, pour leur dire : « réjouissez-vous avec moi ! » J'aime cette image de Jésus parce que c'est un homme heureux, qui a des amis et qui veut faire la fête avec eux. J'aime cette image de Jésus parce qu'elle exprime son amour de pasteur, son « amour pastoral » : son amour va d'abord vers celui qui en a le plus besoin, le plus faible, le plus fragile, le plus souffrant – et ça nous arrive à chacun d'être le plus fragile, ça nous arrive à tous de « craquer ». Alors, il y a quelqu'un qui est toujours là et qui nous tend la main, quelqu'un qui nous appelle par notre nom, quelqu'un qui ne s'impose jamais mais qui croit en nous, quelqu'un qui nous aime et qui va nous porter sur ses épaules.

Comment ne pas évoquer cette autre parabole, qui n'est pas dans l'Évangile, la parabole des pas sur le sable : le poète revoit toute sa vie et interroge Jésus : je vois bien tes pas à côté des miens tout au long de ma vie, mais, comment se fait-il qu'aux moments les plus difficiles que j'ai traversés, il n'y a plus qu'une seule trace de pas ? Et Jésus de répondre : dans ces moments-là, c'est moi qui te portais. C'est ça l'amour pastoral de Jésus. C'est cet amour là qui a été « répandu dans nos cœurs par l'Esprit-Saint ». C'est cet amour-là qui est notre trésor, mais nous le portons dans des vases d'argile... « Ainsi, on voit bien que cette puissance extraordinaire appartient à Dieu et ne vient pas de nous. » [Première lecture]

Je voudrais vous dire que tout ce que vous aimez dans le prêtre, le pasteur, que je suis, cela ne vient pas de moi, cela m'a été donné et j'ai à le rendre à Celui qui est le Père de tous les dons. C'est cela « rendre grâces ». Et c'est pour cela qu'il était important de jubiler aujourd'hui, pour rendre grâces et exprimer ma gratitude et ma reconnaissance, à Dieu et à vous tous.

Je voudrais d'abord rendre grâce à Dieu pour ma famille. J'ai beaucoup reçu d'elle. J'ai fait le choix d'assumer l'héritage, matériel et culturel, pour mieux pouvoir le partager avec ceux qui ont eu moins de chance que moi. Dans ma famille, il y en a qui partagent ma foi et il y a ceux qui sont agnostiques ou athées, à commencer par mes chers frères. Ils le savent parce que je leur ai dit : ils ont marqué ma manière d'être prêtre car je ne célèbre jamais des obsèques ou un mariage sans penser aux incroyants qui sont dans l'assistance. Et si j'ai un certain nombre d'amis agnostiques qui sont là ce soir, c'est beaucoup à eux que je le dois.

Je voudrais rendre grâce à Dieu pour les Mouvements qui m'ont formé avant et après mon ordination. Je dois beaucoup au Scoutisme, et je lui dois surtout ma vocation : j'y ai appris le sens du service et le goût des responsabilités, ainsi que l'amitié qui allait devenir le cœur de ma vie affective.  Je crois que j'ai aussi beaucoup reçu de la JEC pendant les deux ans vécus au quartier latin en pleine guerre d'Algérie : c'est là que j'ai appris l'engagement à la fois politique et apostolique. Mais c'est la JOC qui a marqué mes cinq premières années de ministère dans la cité d'Orly-Choisy et c'est elle qui a formé le prêtre que je suis devenu : j'y ai appris l'attention à la vie, aux conditions de vie concrètes des gens, j'y ai appris le service de l'entre-eux, j'y ai appris à accompagner sans diriger, à écouter avant de parler, j'y ai appris ce trésor qu'est la révision de vie, et que je pratique toujours. Enfin, j'ai beaucoup reçu de l'ACE, le mouvement des enfants, le premier où j'ai eu des responsabilités départementales et régionales. J'y ai appris que les enfants n'étaient pas trop petits pour vivre et annoncer l'Evangile, et qu'il fallait d'abord les écouter avant de les enseigner. Ce fut pour moi « l'école des guillemets », qui permet de noter ce qu'un enfant a dit entre guillemets, pour respecter sa parole et ses mots.

Je voudrais rendre grâce pour tout ce que j'ai reçu des femmes. Jusqu'à mon ordination, j'ai vécu dans un univers masculin. A la maison, nous étions cinq hommes avec ma mère... Au collège, que des gars. A la troupe scoute, que des gars... Et au séminaire, je ne vous dis pas... Par contre, dès qu'on est prêtre, on est entouré de femmes ! Je n'y étais pas préparé. Je voudrais rendre grâces pour toutes les femmes avec qui j'ai travaillé dans la mission parce qu'elles m'ont humanisé : elles m'ont appris à être plus attentif aux relations qu'à la réussite d'un projet, elles m'ont appris à être plus humain avec moi-même pour l'être davantage avec les autres, elles m'ont appris à ne pas brider ma sensibilité et à oser être affectueux et respectueux à la fois. Je leur dois beaucoup et j'aimerais tant que mon Eglise leur donne toute leur place !

Je voudrais rendre grâce pour tous mes amis, c'est-à-dire pour vous tous. Non seulement vous remercier mais remercier Dieu de m'avoir donné tant d'amis qui m'ont permis de vivre une vie affective heureuse. J'aime raconter ma première opération à l'hôpital : je partageais ma chambre avec un monsieur de mon âge ; tous les après-midis, sa femme venait lui tenir compagnie de 14 h à 18 h... et moi, pendant ce temps-là, les amis n'arrêtaient pas de défiler dans la chambre. Je savais qu'être prêtre, c'était une manière d'aimer. Mais j'ai découvert ces jours-là qu'être prêtre, c'était aussi une manière d'être aimé ! Et j'en rends grâces car nous avons tous besoin d'aimer et d'être aimé.

Je n'oublie pas que le « réjouissez-vous avec moi » de l'Évangile est lié à la conversion et je terminerai en vous partageant une conviction : l'Évangile est une bonne nouvelle qui nous appelle tous à changer. La vie de l'Eglise, la vie de notre pays et la vie de notre planète nous disent la même chose : si nous voulons nous en sortir, il faut changer ! L'Eglise doit changer, se réformer, pour mieux vivre l'Evangile en étant davantage une fraternité. Notre pays doit changer pour vivre un vrai partage des richesses. Notre planète enfin a besoin que nous changions et que nous nous laissions interpeler par les jeunes générations.

Il y a 50 ans, au moment de mon ordination, au lendemain de Vatican II et de Mai 68, je voulais aussi que tout change : l'Eglise, la société et le monde. Les défis ne sont plus les mêmes, mais l'appel au changement, retentit avec la même force. Et je rends grâces à Dieu de mettre en nos cœurs ce désir de changement pour que la vie soit plus belle pour tous. Voilà pourquoi, avec tous ceux d'entre vous qui le veulent, j'ai envie de reprendre le chant d'action de grâces de Marie, le Magnificat, car le Seigneur a fait pour nous des merveilles !

Jean-Pierre Roche, le 28 juin 2019.

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30 juillet 2019

Nouvelles du 9-3 : Rencontre de prêtres en quartiers populaires du jeudi 7 mars 2019 à Bondy

A cette rencontre, nous étions 24 prêtres du 93, religieux ou prêtres diocésains, originaire d’Afrique Centrale, d’Afrique de l’Est, d’Afrique de l’Ouest, du Vietnam, de la Réunion, de l’Hexagone, voire de Vendée…

Avec la découverte des spiritualités présentes et vécues dans la Mission Ouvrière, en lien avec les nôtres propres, nous avons entendu le témoignage de Daniel à la suite de son engagement en Haïti auprès des « analphabètes-pas-bêtes-du-tout » : aller-vers, accueillir, accompagner, appeler.

 

Voici des points importants qui sont ressortis de nos partages :

  • « Je pratiquais la spiritualité de la Mission Ouvrière sans le savoir ! » « Ma spiritualité, c’est l’option prioritaire pour les pauvres ! Elle me booste, motive mon action ! »
  • Une spiritualité de la solidarité : je donne plus de temps pour écouter jusqu’au bout. « Faire Peuple pour moi, c’est me mettre à niveau comme un frère, non comme un enseignant. Visiter les gens de notre propre initiative, c’est ainsi que je découvre le vrai visage de la pastorale.
  • L’interculturel, dans notre département, ça teinte notre pastorale. Ca nous engage à relire ce que l’on vit au fil des semaines. Avec le regard bienveillant d’autres confrères.
  • il nous faut nous laisser approcher, et donc être approchables, descendre et être présents « à hauteur d’humus ». Je crois savoir mis ne sais pas grand-chose, car l’autre est bien  au-delà de ce que je peux en percevoir : « attention aux angles morts »… Je dois donc apprendre à me laisser accueillir.
  • Il nous faut appeler des personnes pour être vraiment protagonistes, et construire une Eglise avec  ceux qui connaissent vraiment la vie. Avec l’arrivée de riches dans certains coins, que les milieux populaires ne soient pas petit à petit les grands absents de notre pastorale.
  • Comment des communautés ecclésiales de base peuvent aider à prendre conscience de ce qu’on vit ?

Une question et une proposition sont apparues après nos échanges  :

1)  On a amorcé un débat autour de l’interculturel dans notre département, faisant éventuellement écho à des problématiques connues ailleurs. Une assemblée peut-elle être composée de plusieurs communautés ? Comment ? Quels choix faire ou quels critères observer ?...

Faut-il qu’un rencontre l'an prochain nous permette de reprendre ce débat enrichissant et concret ?

 

2)  Vu qu'on s'est redit l'importance de "relire ensemble nos expériences" Eugène appelle ceux qui ne sont pas en équipe de rejoindre une équipe PMO , pour notre travail de prêtres en quartiers populaires et de soutien spirituel.

Contacte donc pour cela Jean Courtaudière, Raphaël Grondin, Bruno Leclerc, ou Frédéric Mounier.

 

Fraternellement

 

Jean Courtaudière - Eugène Doussal - Raphaël Grondin - Bruno Leclerc - Frédéric Mounier

15 janvier 2017

Projet de l'Eglise de France pour les milieux populaires

Eglise et milieux populaires-Foi peuple Mai 2016

15 janvier 2017

Rendre dignité aux ouvriers

Rendre dignité aux ouvriers-1-M

15 janvier 2017

Un article pour réfléchir...

Rendre dignité aux ouvriers-2-M

9 décembre 2016

Compte-rendu de la soirée PMO-RIF au cours de la retraite à La Trappe le 17.11.2016

 

Pour connaître le contenu de cette soirée, cliquer sur le lien suivant : CR_Soire_ePMO_Retraite2016

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